Sur l'île des wabbits, Albaël avait trouvé
un terrain de jeu nouveau.
Les envahisseurs de la terre des Lenalds
avaient détruit bon nombre des statues
qu'avaient érigés là les indigènes.
Alors, voyant le massacre, Albaël se dit
qu'après tout, il n'y avait aucun mal
à égorger des wabbits, ce sont eux qui
ont engendré le mal sur ces terres désolées.
En essuyant ses dagues sur l'étoffe encore tiède d'un wabbit
Albaël scrutait encore l'horizon, bleu azur et se souvint
des paroles de son vieil oncle à l'article de la mort :
Là-bas, en Amakna, et dans beaucoup d'autres régions
que tu découvriras, il existe une forme de mal, de bile
nauséeuse, qui pourrit sous la terre, si bien que les
plantes en puisent leurs ressources, puis les animaux
dévorent les plantes, et nous-même, nous chassons les animaux. Nous finissons tous impurs. Tu comprends ?
Il y avait encore beaucoup de sang sur les gants d'Albaël
son entraînement était strict et dur. Il ne s'accordait
que peu de repos pour méditer, écrire ou alors pour faucher
les céréales, et en extraire les farines.
Ce sang était celui d'un dresseur de bouftous un peu trop sûr de lui. La mort de cet osamodas l'avait un peu surpris
d'abord. Il faut dire qu'il n'avait pas bien fait la différence
avec un bouftou, ou un wabbit. Après tout, ce sont tous des
êtres impurs.
Les mains osseuses du jeune Sram serraient fort l'étui des
dagues offertes par le clan, il portait sur son visage blême
le sourire du conquérant, et ce regard anthracite de l'assassin.
Porté par son rêve de marcher sur les traces du général Dracir
Albaël ne pouvait que laisser entrer en lui la folie qui
avait gagné son oncle, la folie qui scuinte de chaque sillon
creusé dans la terre noire d'Amakna.